Extrait Dossier de l'Art

14 / DOSSIER DE L’ART 262 Le titrede laconférence, dispenséeà l’École des arts et métiers de Fribourg, est passa- blement trompeur. Il n’est pas même le fait de Hodler. Reprenant les premiers mots de l'intervention, il laisse augurer de la part de l'orateur ne sorte de déclaration « d’enga- gement ». Écrit en français et publié dans le quotidien fribourgeois La Liberté , le texte traduit d’abord une forme de credo idéaliste du peintre (avec une certaine confusion conceptuelle qu’il serait peu honnête de dissimuler par un sentiment de révérence excessive). Se réclamant d’une maxime attribuée, à tort, à Platon, Hodler se prononce, d’emblée, en faveur d’une beauté transcendante, éternelle, inscrite dans la nature. Il appartiendrait à l’artiste ayant patiemment « exercé » son œil de la révéler en élaguant les détails insigni- fiants par les choix judicieux qu’il opère. L’insistance, toute classique, sur les vertus d’un dessin correct, sur le primat du trait, aux dépens de la pratique de l’estompe- ment, de « l’atténuation » ne suscite guère l’étonnement venant d’un artiste à la ligne incisive et aux contours toujours nets. UNE MÉTHODE, UN IDÉAL La partie la plus fameuse de la conférence regarde la question du parallélisme : « Si maintenant dans la pensée, je compose des éléments dominants des choses qui m’ont laissé une impression forte et durable, ceux dont l’ensemble m’a le plus saisi par l’unité imposante, je reconnais dans tous les cas l’existence d’un même caractère de beauté : le parallélisme […] ». La notion, qui emprunte notamment à l’historien et théo- ricien Charles Blanc, doit moins être consi- dérée dans son acception étroitement géo- métrique que comme un principe d’unité transcendant le particularisme par la répé- tition d’éléments structurels ressemblants . Hodler incline à en faire l’élément d’ordre architectonique fondamental à l’origine du sentiment de plénitude que procure le beau. Au-delà de cette dimension formelle qui trouve idéalement à s’employer dans le paysage, le principe du parallélisme, étendu aux figures, véhicule aussi chez lui un idéal de fraternité et de démocratie égalitaire réalisées. La disposition des protagonistes du Grütli moderne, tableau qui actualise le serment fondateur de la Confédération helvétique prononcé en 1291 (et non en 1307 comme le voulait la légende) dans un décor moderne et symétrique, constitue un cas emblématique des échos civiques et humanistes de l’œuvre de théoricien de Hodler. Celui-ci était cependant trop grand artiste pour s’enfermer lui-même dans une conception dogmatique qui aurait produit des résultats bien arides. Il reconnut d’ail- leurs que certaines de ses œuvres n’étaient pas marquées par ces théories de « l’uni- forme », ajoutant plus tard : « Je ne me sens pas lié à la théorie du parallélisme, mais j’en fais mon profit dans tous les cas. Cette théorie de l’unité réveille en moi le sentiment de la grandeur de la nature, de la puissance du visible, de la permanence, de l’existence universelle […]. » A.M.d.B. « La mission de l’artiste » Autodidacte curieux de théorie, mais fondamentalement prati- cien , Hodler s’engagea dans un travail de clarification théorique entre 1896 et 1898. Le 12 mars 1897, il résuma ses vues dans une conférence intitulée a posteriori « La mission de l’artiste ». Le Grütli moderne , 1887-88 . Huile sur toile, 100 x 131 cm. Genève, Musée d’art et d’histoire © MAH Genève – J.-P. Kuhn 1897

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