Extrait Dossier de l'Art

4 / DOSSIER DE L’ART 262 L ANNÉE 2018 marque le centième anniversaire de la mort de Ferdinand Hodler, survenue le 19 mai 1918 dans son appartement du quai du Mont-Blanc à Genève. Né le 14 mars 1853, à Berne, dans une famille très modeste, il décide adolescent de se rendre à Genève pour apprendre la peinture. Il y fait une rencontre décisive : celle de Barthélemy Menn, qui s’attache à sa formation. Enseignant, passeur, ce professeur de dessin, qui a connu Ingres, puis Delacroix et Corot, se fait fort de transmettre au jeune Hodler la richesse d’une époque où foisonnent les nouveautés artistiques. Beaucoup plus tard, Hodler s’exclamera lors d’une conférence : « Menn, je lui dois tout. » Considéré à ses débuts comme un peintre secondaire, vaguement scandaleux, Hodler atteint une notoriété considérable à Paris, où sa grandiose composition La Nuit fait sensation en 1891. Peintre d’histoire, portraitiste, paysagiste de génie, il connaîtra dès lors tous les honneurs. Zurich lui consacrera une riche rétrospective en 1917 et, peu de temps avant sa mort, Genève lui rendra un hommage émouvant lors duquel il sera fait « bourgeois d’honneur » de la cité. Dans la continuité de Courbet, il sera constamment proche du monde de la presse et de la littérature, utilisant les milieux journalistiques pour mettre en scène sa production et promouvoir son art. Interprète des grands mythes helvétiques, il crée de puissantes compositions dont la plus aboutie est sans doute La Bataille de Morat . L’œuvre de celui que nous considérons comme le plus grand paysagiste de son temps, avec Paul Cézanne, connaîtra pourtant un long purgatoire. Au milieu du XX e siècle, peu de marchands d’art s’intéressent à Hodler. Le désamour est manifeste et la cote de ses tableaux est au plus bas. Des collectionneurs suisses avisés ont ainsi pu réunir de vastes corpus de son œuvre ; ces précurseurs avaient su déceler la force de l’art de celui qui deviendra l’icône de la peinture suisse. Cette accumulation de tableaux en peu de mains, surtout en Suisse, limitera sensiblement la diffusion de son travail, retardant d’autant sa reconnaissance internationale. Il faudra attendre le début de notre siècle pour que Hodler trouve enfin sa place dans l’histoire de l’art occidental. De grandes rétrospectives nationales ont lieu entre 2003 et 2005, suivies en 2007 par l’exposition du musée d’Orsay. En 2012 ce sera New York, puis Tokyo en 2015, ou encore plus récemment Bonn et Vienne. Aujourd’hui, il n’est pas une année sans qu’un musée d’Amérique ou d’Asie ne souhaite emprunter quelques-uns des 145 tableaux de l’artiste conservés au Musée d’art et d’histoire de Genève. L’exploitation de ses archives, de sa correspondance, acquise auprès de sa famille et de ses proches par le Musée d’art et d’histoire de Genève ainsi que par le spécialiste de Hodler que fut Jura Brüschweiler, progresse lentement. Parallèlement, vient de paraître le quatrième et dernier volume du catalogue raisonné de son œuvre, magnifique réalisation due à l’Institut suisse pour l’étude de l’art (SIK-ISEA). On voit que le jubilé 2018 marque une étape dans la connaissance du peintre comme l’atteste la co-production de l’exposition de Genève et Berne, « Hodler // Parallélisme ». Il n’en demeure pas moins que beaucoup reste à découvrir sur la réflexion philosophique et esthétique de l’artiste. La lecture de cette livraison du Dossier de l’Art vous apportera les clefs nécessaires à une immersion dans l’univers hodlérien. Une vie sans concession, tout entière consacrée à l’expression de l’harmonie suprême de la nature, tel nous apparaît Ferdinand Hodler. Celui que la vie n’avait pas épargné – parents, frères et sœurs, épouses et compagnes d’un moment ayant disparu très tôt, emportés par la maladie – a toujours conservé un regard positif sur la vie. Dans l’un de ses ultimes textes, Ferdinand Hodler concluait ainsi : « Si j’avais encore 100 ans à vivre je continuerais à exprimer les choses semblables, les accords, les harmonies de l’humanité. L’art nous lie, vive l’art ! Ce qui nous rend un est plus grand que ce qui nous divise. J’ai traduit mes sympathies. Une rose, un son d’orgue. » Jean-Yves Marin, directeur du Musée d’art et d’histoire de Genève Autoportrait , 1916 . Huile sur toile, 39 x 40,5 cm Aarau, Aargauer Kunstaus © akg-images – A. Held ’ Ferdinand Hodler une icône helvétique

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