Extrait Dossiers d'Archéologie

25 A près avoir gravi la voie menant à la terrasse principale du sanctuaire d’Apollon, le voyageur antique Pausanias découvrit au II e siècle après J.-C. un temple, le même que celui dont les touristes admirent aujourd’hui les ruines. Il nous raconte l’histoire des temples successifs qui abritèrent l’oracle, raison principale de la réputation de Delphes. Les premiers (en laurier, en cire d’abeille et plumes, puis en bronze) sont du domaine du passé mythique, même si leur souve- nir pouvait se rattacher à des faits réels. En revanche, Pausanias ne fait pas la distinction que font les modernes entre le temple que nous quali- fions d’archaïque, reconstruit après l’incendie qui ruina en 546 avant J.-C. le premier temple en pierre, et le dernier temple, reconstruit difficile- ment au cours du IV e siècle, avant et après la troi- sième guerre sacrée, qui entérina le déclin d’Athènes, Thèbes et Sparte vis-à-vis de la nou- velle puissance macédonienne. Cette distinction, importante pour les archéolo- gues, ne l’était pas tant à l’époque, car les Delphiens souhaitaient surtout mettre en évidence, comme souvent dans les lieux consacrés, l’ancien- neté du sanctuaire et la continuité du rituel lié à la consultation de l’oracle. De ce fait, contrairement à la plupart des temples grecs, qui sont la demeure du dieu interdite d’accès aux visiteurs, le temple de Delphes – construit sur le lieu où des exhalaisons permettaient au dieu de transmettre, par l’intermé- diaire de la Pythie et des prêtres qui interprétaient les messages, la parole divine – était accessible aux consultants venus parfois de très loin. Si l’ Hymne homérique à Apollon explique comment le jeune dieu fonda, avec l’aide de marins crétois, son sanctuaire au pied du Parnasse, d’autres versions nous montrent Apollon succé- dant, de façon plus ou moins violente, aux pro- priétaires précédents de l’oracle : Gâ (la Terre), Thémis, sa fille, voire Poséidon. Ces divergences sont habituelles dans la religion antique, où diffé- rentes versions contradictoires, influencées par leurs origines respectives, cohabitent, pour la grande joie des exégètes qui, comme Plutarque, prêtre d’Apollon à Delphes à l’époque de l’empe- reur Hadrien, cherchent à décrypter les différentes interprétations qui leur sont parvenues. Malheureusement, si les recherches menées depuis plus de cent ans ont permis de restituer avec une certaine assurance l’aspect extérieur des deux derniers temples, les archéologues de la Grande Fouille (1892-1902) ne cachèrent pas leur déception en découvrant un grand trou béant à la place de l’antre où officiait la Pythie, et sur lequel des générations d’artistes et d’érudits avaient “ “ Les Delphiens souhaitaient surtout mettre en évidence, comme souvent dans les lieux consacrés, l’ancienneté du sanctuaire et la continuité du rituel lié à la consultation de l’oracle. Vestiges actuels du temple, datant du IV e siècle. © M. Cohen / Aurimage

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