Extrait Dossiers d'Archéologie

21 L’ORIGINE DE LA DISCRIMINATION DES FEMMES D ans les sciences de la préhistoire, comme dans les autres sciences sociales, les femmes ont longtemps été marginalisées – diluées dans l’approche du « groupe » ou dési- gnées sous l’appellation prétendument globali- sante d’« Homme ». Dans le même temps, la repro- duction, et tout ce qu’implique ce processus (rela- tions sexuelles, grossesse, accouchement, éduca- tion, etc.), étaient relégués à la sphère de la « nature ». De même que la maternité et l’éduca- tion des enfants, la reproduction était donnée pour entièrement naturelle et instinctive, de sorte qu’il ne fallait pas la considérer comme un effort, et encore moins comme un travail. Tous ces phéno- mènes, considérés comme purement biologiques, étaient situés hors du champ de l’histoire sociale. On oubliait, ce faisant, que si la reproduction est une fonction biologique, elle est aussi un fait social, partie intégrante des activités que le groupe doit organiser en vue de sa survie : elle est soumise aux normes propres à chaque groupe, qui se transmettent socialement. Elle dut être la principale variable de ces sociétés préhistoriques à partir de la fin du pléistocène moyen, ou au moins du dernier maximum glaciaire, sociétés dotées d’une technologie élaborée leur permet- tant de pourvoir à leur subsistance. En effet, les données archéologiques confir- ment que des situations de pénurie ont pu surve- nir dans ces contextes, lorsque la reproduction humaine dépassait le rythme de reproduction des ressources. Le mode de subsistance propre aux chasseurs-cueilleurs permet de se procurer des aliments sans modifier directement la reproduc- tion des animaux et des plantes consommés, mais il peut avoir une incidence sur la reproduction de ceux qui les consomment. En d’autres termes, la capacité de subsistance d’une société de ce genre dépend non tant de sa capacité de prédation – déjà pleinement établie – que de sa capacité à contrôler sa propre reproduction. La reproduction biologique humaine peut être régulée en modifiant de différentes façons la taille et la répartition des unités de peuplement. Cepen- dant, si la population devient trop nombreuse par rapport aux ressources disponibles, cette régula- tion doit s’exercer directement sur les relations sociales et sexuelles. Le contrôle social de la capa- cité reproductive devient alors essentiel, et il est plus efficace s’il est exercé directement sur les femmes, en raison de leur rôle fondamental de Déjà en 1949, les préhistoriens ont conscience de la variabilité de la division du travail fondée sur le sexe, comme le montre ce dessin d’Henri Breuil paru dans un livre pour enfants en 1949. DR L’image d’une société préhistorique avec l’homme chasseur- protecteur et la femme reproductrice- gardienne est diffusée très tôt. Dessin F. Kupka, extrait d’Élysée Reclus, L’homme et la terre , Librairie universelle, 1905-1908. © Adagp, Paris, 2021

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