Extrait Dossiers d'Archéologie

LE BOIS D’ŒUVRE C ontrairement à de nombreuses idées reçues, les bois utilisés dans les charpentes des cathédrales gothiques ne furent jamais séchés pendant des années avant d’être utilisés. Ils étaient taillés verts et mis en place peu après leur abattage. Chaque poutre était un chêne équarri (tronc taillé en section rectangulaire) à la doloire et conservait le cœur du bois au centre de la pièce. La scie n’était pas utilisée au XIII e siècle pour la taille des poutres. Pour cette raison, les chênes abattus correspondaient précisément aux sections recherchées, et leur équarrissage se faisait a minima au plus près de l’écorce, avec peu de perte de bois. Les bois ainsi taillés étaient indéformables, contrairement aux bois sciés. Les courbures natu- relles du tronc étaient donc conservées à la taille, ce qui n’était en rien un handicap pour les char- pentiers du XIII e siècle. À l’encontre, là aussi, de certains préjugés, les bois provenaient à plus de 90% de chênes de moins de 60 ans, au fût de faible diamètre (23- 28 cm) et élancé sur une grande hauteur (10-16 m), avec peu de branches. Ces arbres jeunes, fins et longilignes, provenaient de hautes futaies où la densité du peuplement était maximale, la forte concurrence entre les chênes les contraignant à pousser rapidement vers la lumière, en hauteur, non en épaisseur. Ces futaies, appartenant le plus souvent à l’évêché ou au chapitre, étaient gérées selon une sylviculture spécifique, reposant sur la régénération par coupe à blanc, par rejet de souche, et sur l’absence d’éclaircie, afin de pro- duire rapidement et massivement des peuple- ments extrêmement denses, et donc des chênes adaptés à la construction et à la taille à la hache. Avec ce type de peuplement, les surfaces fores- tières sollicitées par ces grands chantiers ne repré- sentaient que quelques hectares seulement : à peine 3 ha pour les 1200 chênes de la charpente de la cathédrale de Bourges en 1256-1258 (1 200 grumes pour celle de Rouen, 1000 environ pour Notre-Dame de Paris vers 1220-1240). On est donc, là encore, bien loin des légendaires défrichements de forêts entières pour la construc- tion des cathédrales gothiques… LA STRUCTURE DES CHARPENTES Les premières charpentes gothiques de la seconde moitié du XII e siècle étaient simples de conception. Leur structure à « chevrons-formant-fermes » était constituée d’une succes- sion de fermes indépendantes réparties en travées. Celles-ci comprenaient une ferme princi- pale, avec un entrait à la base servant de tirant, et une série de Équarrissage d’un chêne à la doloire. Chantier expérimental de Guédelon, Yonne. Photo Fr. Épaud. Chêne de 28 cm de diamètre en pied, de 16 m de hauteur, identique à ceux qui étaient utilisés dans les grandes charpentes du XIII e siècle, comme celle de la cathédrale de Bourges. Forêt de Bercé, Sarthe. Photo Fr. Épaud.

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