Extrait Art et Métiers du Livre

AML N° 350 53 É tienne Lodého a installé son atelier dans la maison familiale, bâtie par son grand-père dans les années 60 du siècle dernier. Il a vécu depuis l’âge de six ans dans ce lieu pour lui lourd, ou riche, de souvenirs. C’est une construction sans charme particulier, entourée d’un jardin peu exploité où le seul arbre en activité est, sur la gauche quand on regarde la demeure, un magnolia ; à droite, un tronc coupé est la seule trace d’un sapin de Noël qui avait eu le malheur de grandir trop et de menacer la départementale. L’ endroit est un peu perdu sur le territoire de Saint-Pierre-des-Ifs, celui de l’Eure, pas celui du Calvados. Dans le brouillard et le crachin normand du mercre- di 24 novembre, l’ensemble paraît assez triste, même si l’automne donne à des bos- quets épars des couleurs qui seraient flam- boyantes sous le soleil. Et Étienne prétend que tout change quand le magnolia est en fleur. Malgré tout, je ne sais pas si j’aurais la L’atelier d’Étienne Lodého ou le mouvement perpétuel Décrire ce qu’il y a sur les murs, sur le sol et dans les placards d’un atelier d’artiste aide à comprendre quelque peu cet ar- tiste et permet de parler de lui sans se sentir obligé de louer son talent. C’est l’occasion d’entrevoir, naïvement exposé aux yeux du visiteur curieux, un peu du mystère de l’art, puisque c’est là qu’il est conçu, enfanté, et qu’il grandit peu à peu, au milieu des outils, des livres, des affiches jaunies, des vieilles photos et des cartes postales écornées, toute sa famille. Par Maxime Préaud, graveur, conservateur honoraire au département des Estampes et de la Photographie, Bibliothèque nationale de France La maison atelier d’Étienne Lodého à Saint-Pierre-des-Ifs (Eure) le 25 novembre 2021. © Maxime Préaud. Page de gauche : Coin d’atelier. Au fond, œuvres réalisées dans le cadre de l’exposition « Monté en épingles » vu par 20 artistes, Manufacture Bohin, 2021. © Étienne Lodého. force intérieure d’habiter là, tout seul, à cinq kilomètres du bistro le plus proche. (Il de- vrait y avoir une loi sur la répartition des bistros sur le territoire national.) Sans parler des commerces dits de proximité. Le bâtiment est un parallélépipède rectangle, les grands côtés nord et sud, les petits est et ouest, avec un rez-de-chaussée qui est presque un sous-sol, un étage où l’on par- vient grâce à des escaliers extérieurs, et un grenier auquel on devrait pouvoir accéder par une trappe, à l’intérieur. Étienne a com- plètement réaménagé l’étage, de telle façon que son atelier – je devrais dire ses ate- liers – occupe tout l’espace quasiment d’un seul tenant. Il faut faire attention où on met les pieds. Il y a partout des armoires, des placards et des étagères, mais cela déborde sur le sol, où s’empilent des boîtes, des cartons, des cadres. Pourtant je soupçonne Étienne d’avoir fait des rangements depuis que

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz