Extrait Art et Métiers du Livre

AML N° 345 15 On ne saura jamais les tourments qui traversent les jours des enfants sages. Ni par quel cheminement, pour certains d’entre eux, ces tourments fournissent la matière à l’éclosion de mondes inattendus, voire déconcertants. Ce n’est pas que Roger Dewint ait éprouvé très tôt le besoin d’expulser un théâtre intérieur trop oppressant : même si le dessin n’a cessé de l’occuper depuis qu’il est en âge de tenir un crayon, il n’a pris véritablement conscience de ses capacités créa- trices que relativement tard, au terme d’une longue maturation où le hasard tient sa place. Il sera dessinateur quoi qu’il arrive, aquarelliste très souvent, peintre en aucun cas mais invariablement gra- veur, avec un goût particulier pour l’eau-forte et l’aquatinte, techniques qui lui deviendront vite familières et qu’il n’abandonnera plus. L’art de Dewint se reconnaît à sa retenue, il ne livre qu’avec pudeur et discrétion quelques bribes d’histoire personnelle et n’interpelle pas le spectateur pour lui imposer sa vision du monde comme il va. Bien sûr, comme tous les artistes, il entretient une complicité avec ses illustres pré- décesseurs : ses goûts le portent vers Goya (le ricanement et le scal- pel), Piranèse (les chemins sans issue), Ensor (les foules grimaçantes), sans parler des expressionnistes alle- mands et de l’art brut, qui l’intéresse particulièrement. Mais c’est un uni- vers totalement personnel qu’il nous Les confidences indéchiffrables de Roger Dewint donne à voir, dégagé de toute influence ou réminiscence. Au cœur de ce mystère, la figure humaine occupe souvent une place centrale, dans un tumulte désordonné d’objets et de signes hétéroclites. Désarticulés, défor- més, traversés d’éclats indéchif- frables, pris dans un tourbillon qui emporte tout sur son pas- sage, les personnages assistent, impuissants, au désordre univer- sel qui ne leur laisse aucun répit. Gérard Sourd Extraits de l’article « Le miroir et le masque, les confidences indéchiffrables de Roger Dewint », paru dans Art & Métiers du Livre n° 323, novembre-décembre 2017. De haut en bas : Paysage II , 2013, eau-forte et aquatinte en couleurs, ex. 1/10. © Fondation Roger Dewint. Adieu donc, illustres et chers amis , 1997, eau-forte en couleurs avec impression d’un bois de Hans Holbein ayant servi à illustrer l’ Éloge de la folie d’Érasme, ex. 5/10. Coll. musée de la Maison d’Érasme (Belgique).

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