Extrait Art et Métiers du Livre

AML N° 345 27 Charmer pour mieux éduquer Quelques mots sur la constitution du fonds. Il ne s’agit pas de la bibliothèque des cha- noines qui habitaient cette maison, encore moins de la bibliothèque privée d’Érasme. Les livres ont été patiemment rassemblés par les conservateurs successifs du musée. Son histoire commence en 1930.Daniel Van Damme, modeste employé communal, ob- tient que la commune d’Anderlecht rachète cette bâtisse du XVI e siècle, qui tombait en ruine, pour y installer un musée consacré à l’histoire locale, à l’art et au folklore de la commune. Il connaissait le bref séjour d’Érasme dans ces lieux (six mois de l’été 1521) et, pour motiver les autorités communales à préserver et rénover le bâtiment, il n’a pas hésité à amplifier un tant soit peu la réalité historique en annonçant que l’humaniste hollandais y avait habité du- rant quatre ans. Ce projet demandait de l’am- bition et du courage. Daniel Van Damme mit toute son énergie à préparer un « lieu qui sus- cite la pensée ».Dans un article publié en 1934 sur les grands et les petits musées, il précisera que son projet pour la Maison d’Érasme était de charmer pour mieux éduquer en recréant une ambiance, une présence. L’enthousiasme des débuts À quelques mois de l’inaugura- tion – par le futur Léopold III et la future reine Astrid –, l’au- dacieux conservateur confie dans une de ses lettres qu’il n’a encore aucun objet à exposer. Mais voilà qu’il reçoit un cour- rier venant de Hollande. Un certain Victor Schmidt, pasteur évangélique luthérien, a eu vent de la création d’un musée dans la Maison d’Érasme. Ravi de l’initiative, et pour saluer cet « acte de piété » envers l’hu- maniste hollandais, il fait don au De haut en bas : Antiphonarium romanum. Pars Aestivalis Antiphonari Romani, Anvers, Ioach.Trognaesium, 1611, Maison d’Érasme (Arch. eccl. n° 178). Un antiphonaire est un livre de chants utilisé pour la liturgie des Heures, c’est-à-dire la prière des chrétiens au cours des différents offices du jour (matines, laudes, tierce, etc.). Ces gros volumes ont servi au chœur des chanoines de la collégiale Saints-Pierre-et-Guidon. Ils datent de 1611, mais des pages manuscrites ont été ajoutées au XVIII e siècle : il était courant de conserver les anciens livres et de les mettre à jour. Les reliures, qui sont d’époque, sont en veau brun foncé sur ais de bois. Ces livres étant utilisés chaque jour, leurs dos ont été renforcés par des morceaux de cuir épais. Les coins et les plats sont protégés par des cabochons métalliques, qui avaient également une fonction décorative. Horae , France méridionale, 1459, parchemin, Maison d’Érasme (Arch. eccl. n° 78). Le plus ancien livre de la réserve est un petit livre d'heures manuscrit. Au Moyen Âge, quand une personne est assez riche pour posséder un livre, il s’agit en général d’un psautier (aux XII e -XIII e siècles) ou d’un livre d’heures (XIV e -XV e siècles). Ces recueils de psaumes et livres de prières, agencés selon les offices du jour, font l’objet d’une lecture quotidienne, le plus souvent à voix haute, au lever du lit. musée du moulage en plâtre d’un buste d’Érasme et d’une édition des Paraphrases sur le NouveauTestament , issue de sa propre collection. Le fonds est créé. Fidèle à la mé- moire de l’humaniste, le pasteur Victor Schmidt fut un des plus grands donateurs du musée. Il ne manque aucune vente pu- blique, dispute rageusement à la Biblio- thèque de Rotterdam et à la British Library les éditions les plus rares, qu’il achète à prix d’or pour en faire cadeau au musée. Les courriers échangés entre le pasteur et le conservateur témoignent de l’enthou- siasme des débuts, sans égards pour la crise

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