Extrait Art et Métiers du Livre

4 AML N° 340 L’ A C T U A L I T É d es expositions Picasso et la bande dessinée Le musée Picasso met en lumière les liens entretenus par le maître espa- gnol avec le 9 e art. Ses dessins de jeu- nesse, où il n’est pas rare de rencon- trer des bulles ou une construction d’images en séquences, témoignent de son intérêt pour la bande dessi- née et ses codes narratifs. Il imagine ainsi l’apothéose du poète Max Jacob en sept cases commentées ou relate en plusieurs images légendées un voyage en train accompagné du peintre Sebastià Junyer-Vidal. Ce ne sont alors pas Vélasquez ou Goya qui l’inspirent mais plutôt The Katzen- jammer Kids , Little Jimmy (qu’il se fait envoyer à Gósol, petit village catalan où il séjourne durant l’été 1906) ou Les Pieds nickelés , qui font leur appari- tion en 1908 dans la revue L’Épatant, dont on trouve plusieurs exem- plaires dans sa bibliothèque. Plus tard, en 1937, c’est encore le format de la bande dessinée qu’il choisit pour dénoncer les agissements de Franco qui vient de s’emparer du pouvoir en Espagne. La structure en deux planches et 18 cases de Sueño y mentir a de Franco mêle la bouffonne- rie du dictateur à l’iconographie des désastres de la guerre. Devenu une légende, Picasso, à son tour, a inspiré les créateurs de bande dessinée tout au long du XX e siècle et jusqu’à nos jours. On le retrouve chez Gotlib, Clément Oubrerie, Reiser ou Art Spiegelman,ses œuvres sont reprises ou évoquées par Hergé,Milo Manara ou Edgar P. Jacobs, qui insère des fragments de Guernica dans l’une des aventures de Blake et Mortimer, Le Piège diabolique . Stéphanie Durand-Gallet Pablo Picasso, Sueño y mentira de Franco , planche I, 8 janvier 1937, Paris (origine), eau-forte, taille-douce, musée national Picasso-Paris. © RMN-Grand Palais (musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean. © Succession Picasso 2020. Picasso et la bande dessinée, jusqu’au 3 janvier 2021, musée Picasso, 5, rue de Thorigny, 75003 Paris.Tous les jours de 10h30 à 18h, fermé le lundi. Tél. : 01 85 56 00 36, site Internet : museepicassoparis.fr Picasso poète « Après tout, les arts ne font qu’un. On peut écrire une peinture en mots tout comme on peut peindre des sensations dans un poème », constate le prolifique Espagnol qui consigne son amour pour Alfred de Vigny et Joan Maragall dans ses car- nets de dessins de jeunesse. Intime de Guillaume Apollinaire, de Max Jacob, d’André Breton ou de Paul Éluard, l’artiste illustre les recueils de ses amis, mais s’adonne égale- ment lui-même à l’écriture à partir de 1935, maniant les mots avec autant de liberté que les autres médiums. Naissent alors des textes en français et en espagnol très variés, calligraphiés et mis en cou- leur sur différents supports : petits carnets, papier à dessin d’Arches, feuilles volantes, enveloppes ou même papier toilette ! Comme le remarque André Breton, la poésie de Picasso « fait résonner le timbre de sa voix intérieure et met à nu son être le plus profond », là où se côtoient la grandeur du mythe et la trivialité du quotidien, où se mêlent érotisme et tauromachie, cruci- fixion et atrocités du franquisme. L’exposition, qui présente plusieurs centaines de ces manuscrits d’une grande beauté graphique composés entre 1935 et 1959, donne à voir les liens étroits qui existent chez Picasso entre l’écriture et la pein- ture et combien leurs processus se font écho. S. D.-G. Pablo Picasso, Sur le dos de l’immense tranche de melon ardent… , 14 décembre 1935, dessin à la plume, crayon de couleur et encre de Chine, musée national Picasso-Paris. © RMN-Grand Palais (musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau. © Succession Picasso 2020. Picasso poète, jusqu’au 3 janvier 2021, musée Picasso, 5, rue de Thorigny, 75003 Paris. Du mardi au vendredi de 10h30 à 18h, samedi et dimanche de 9h30 à 18h. Tél. : 01 85 56 00 36, site Internet : museepicassoparis.fr

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