Extrait Archéologia

9 Le gazoduc Val de Saône, avec ses 137 km à travers la Bourgogne, of- frait la possibilité de documenter des secteurs de la région pour certains méconnus jusqu’alors en matière d’ar- chéologie, en particulier la Bresse, ou des portions de vallées fortement documentées par la photographie aérienne, telle la vallée des Tilles à l’est de Dijon, mais peu fouillées. C’est ainsi que plus de 10 000 ans d’his- toire ont été documentés à l’occasion du diagnostic préalable, puis de la vingtaine de fouilles archéologiques réalisées entre Montpont-en-Bresse (71) et Boussenois (21). Si la préhis- toire n’est quasiment pas représentée ici – sinon par les indices d’une fré- quentation humaine à Spoy (21) au Mésolithique (vers 10000-5000 avant notre ère), la protohistoire avec son lot d’habitats, de sépultures en tumulus ou non et, surtout, une longue fenêtre sur l’organisation des campagnes de la fin de l’indépendance gauloise à la période moderne, ont pu être étudiées. Les données recueillies livrent un aper- çu de la vie des populations qui se sont succédé sur des territoires très diversifiés, dont seule l’archéologie peut encore témoigner : tel l’artisan producteur de tuiles au III e s. ap. J.-C. à Broin (21), les défunts des tumulus du premier âge du Fer (vers 800-450 av. J.-C.) découverts à Lux (21), ou encore les habitants du hameau médiéval de Saint-Didier-en-Bresse (71), pour ne citer qu’eux. La traversée de cer- taines vallées, notamment de la Tille ou de la Saône, a également permis de s’intéresser aux conditions environne- mentales et climatiques qu’ont connu alors ces populations : les anciennes divagations des rivières, les fluctuations d’inondations ou de marais, la flore environnante ou les céréales cultivées sont autant d’éléments qui, figés dans des contextes d’enfouissement favo- rables, renseignent le paysage passé, naturel ou anthropisé. Ces échantillons de notre Histoire com- mune ont été fouillés, documentés et analysés sur le tracé du gazoduc par les archéologues et autres spé- cialistes de l’Inrap (archéozoologue, anthropologue funéraire, géoarchéo- logue…) ; ils ont donné lieu à la remise de rapports scientifiques détaillés qui, d’abord vérifiés par le Service régional de l’archéologie (DRAC), sont ensuite examinés et validés par une commis- sion d’experts. Une attention toute par- ticulière est portée à la restitution des résultats obtenus auprès d’un public averti mais aussi et surtout d’un public élargi, local et national : conférences, émissions, expositions et publications – à l’image du hors-série qui vous est proposé ici par Archéologia – sont les vecteurs privilégiés de cette diffusion. Si les vestiges archéologiques immobi- liers ne sont visibles sur le terrain qu’au moment de la fouille (journées « portes ouvertes »), les objets mis au jour sont, eux, prélevés et soigneusement inven- toriés, conditionnés, puis confiés à des spécialistes pour étude, datation et comparaison typologique avec le mobilier issu d’autres opérations. Élé- ments-clés dans l’établissement de la chronologie des sites fouillés, les outils en silex, les poteries, les monnaies et autres objets métalliques sont aussi le reflet privilégié des activités humaines et des échanges entre populations. À ce titre les mesures de stabilisation et les traitements de restauration auxquels ils sont soumis à leur sortie de terre sont essentiels pour garantir leur pérennité et pouvoir les exposer dans les musées ou les déposer dans un Centre de conservation et d’étude. Le gazoduc Val de Saône, comme tout grand aménagement linéaire, a offert à l’archéologie préventive la chance formidable de sortir des pôles d’aménagement habituels, regrou- pés autour des villes et des grands axes économiques, et d’entrevoir la richesse patrimoniale et archéologique de portions de territoires ruraux parfois trop méconnus. D’autres travaux et recherches viendront sans doute plus tard compléter cette grande coupe dans notre passé. Anne Matheron, Directrice régionale des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté LES ACTEURS DE TERRAIN Gaëlle Pertuisot, responsable de recherche archéologique à Rivière- les-Fosses (Haute-Marne) « Sur le tracé, j’ai été res- ponsable de recherche ar- chéologique sur la fouille de Rivière-lès-Fosses. Ce chantier couvrait une sur- face particulièrement étroite, puisque, dans sa majorité, elle n’était large que de 6 m. Ce paramètre est une des spécificités de nos inter- ventions dans le cadre de l’aménagement du gazoduc. L’enjeu fut d’en extraire, malgré la contrainte spatiale, un maximum d’informations, en intégrant une réflexion sur la continuité du site, qui se développait de part et d’autre de la mince bande couverte par les investigations. Mon rôle de responsable d’opération de recherche archéologique fut d’amener l’équipe à récolter toutes les données sur l’implantation humaine et son biotope, et ceci dans le délai imparti, tout en suivant les consignes de sécurité et de préservation de l’environnement. Un challenge que nous avons relevé ensemble ! Et que nous poursuivons à travers l’étude du site, dont le rapport est en cours de rédaction. » Isabelle Koclejda, assistante technique « Mon rôle a été de prendre en compte toutes les ques- tions techniques permet- tant de mener à bien les chantiers. La première étape a été le repérage de l’environnement (accès, infrastructures aux alen- tours…) afin de mettre en place les solutions qui permettent aux équipes de s’installer dans les meilleures conditions et dans le respect du ter- rain. J’ai notamment dû doter les chantiers des engins nécessaires, anticiper et accompagner les demandes techniques des archéologues, en lien avec le coordinateur, les fournisseurs et GRTgaz. Et bien sûr, une fois la fouille terminée, je me suis assurée de la remise en état des terrains, condition essentielle à une bonne intégration de l’archéologie dans le projet. Cette expérience, qui a complété mon parcours d’archéologue et de logisticienne, a été dense et passionnante ! » Laure Dobrovitch, conservateur du patrimoine « En tant qu’agent du Service régional de l’archéologie (SRA) à la DRAC Bourgogne, j’étais chargée de veiller, au nom de l’État/ministère de la Culture, au bon déroulement des pro- cédures et des opérations archéologiques que nous avions prescrites sur le tracé. Ma mission était également de coordonner notre action avec celle des deux autres SRA dont le territoire de compétence était traversé par le gazoduc (Champagne-Ardenne, Rhône-Alpes). Ce travail collaboratif à une échelle extra-régionale m’a offert l’opportunité peu courante de dépasser le cadre territorial habituel de mon activité, plutôt axée sur la Saône-et-Loire. Il s’agissait d’être à l’écoute de GRTGaz et de l’Inrap pour apporter rapidement des réponses aux questions soulevées, et de fluidifier au mieux l’enchaîne- ment des étapes administratives qui encadraient les opérations d’archéologie préventive. Ces échanges permanents entre les intervenants ont contribué à la réussite du volet archéologique du gazoduc. Avoir participé à ce projet d’envergure a été une expérience marquante et instructive. »

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