Extrait Archéologia

ARCHÉOLOGIA N° 625 / 53 Une découverte inattendue Situé hors de la ville médiévale, à plus d’un kilomètre au sud du bourg et à 400 m d’un castrum médiéval, le site a été mis au jour sur le versant méridional de la colline de Toutes-Aures. 201 sépultures ont été retrou- vées sur les 773 m 2 concernés par le pro- jet d’aménagement, surface n’ayant toute- fois pas permis d’atteindre les limites de ce cimetière qui s’étendait bien au-delà. Face à cet espace d’envergure, qui ne figurait sur aucune carte ancienne et qui ne semblait pas être associé à un édifice de culte connu, la question de l’identité de la communauté inhumée s’est vite posée. En l’absence d’élé- ment épigraphique, seuls des indices indi- rects – comme l’organisation spatiale des tombes ou la position des individus – asso- ciés à une mention tardive du cimetière dans un texte du XVI e siècle, le localisant vague- ment au sommet de la colline de Toutes- Aures, ont aidé à en comprendre la nature, à savoir son appartenance à la communauté juive médiévale de Manosque. Selon les analyses radiocarbones, si la majo- rité des sépultures mises au jour est du XIII e siècle, les plus anciennes remontent au plus tard à la fin du XII e siècle tandis que les plus récentes sont du XIV e siècle ou du tout début du XV e siècle. Les datations les plus précoces précèdent ainsi de près d’un siècle les premières mentions connues du cimetière et d’un demi-siècle celles d’une communauté juive installée à Manosque. La partie fouillée n’a en revanche pas livré de sépultures correspondant au dernier siècle de son utilisation. En effet, celle-ci s’achève en 1501 avec le bannissement des Juifs de la Provence, devenue française, alors qu’ils avaient jusque-là été préservés des expul- sions que le royaume de France multiplie dès la fin du XII e siècle. Un cimetière tiré au cordeau L’aire fouillée présente une organisation spa- tiale rigoureuse : les sépultures, axées sud- ouest / nord-est avec la tête des défunts placée au sud-ouest, sont organisées en rangées d’une grande régularité et des- sinent, dans la partie centrale de l’emprise, une allée de circulation. La surface du site a subi une érosion marquée suivie d’un rem- blaiement, tous deux liés à l’aménagement en terrasses des flancs de la colline. Si les éléments de signalisation des tombes, tels que des dalles que l’on retrouve d’ordinaire dans l’aire culturelle séfarade, ont disparu avec la surface d’origine du cimetière, leur présence initiale ne fait aucun doute : sur les 201 tombes fouillées, aucun recoupement n’a été observé. À défaut de signalisation de surface, des marqueurs ont en revanche été retrouvés dans les niveaux supérieurs du comblement de certaines tombes : déjà PAGE DE GAUCHE. Vue aérienne de la partie centrale du site à l’issue de la fouille. © SDA 04 Fin 2019, des terrassements pour la construction d’une maison individuelle, dans une zone de Manosque jusque-là considérée comme peu sensible archéologiquement, ont mis au jour de nombreux ossements. Alerté par la Police nationale, le Service départemental d’archéologie des Alpes-de-Haute-Provence a immédiatement procédé à une expertise, concluant que ces ossements provenaient de dix sépultures datant probablement du Moyen Âge. S’en suivirent alors, au cours de l’année 2020, un diagnostic ainsi qu’une fouille préventive qui ont permis d’identifier un vaste cimetière, exceptionnel, celui de la communauté juive médiévale de la ville. Par Élise Henrion , Service départemental d’archéologie des Alpes-de-Haute-Provence, Aix-Marseille Université, CNRS, ADES, Marseille, Sandrine Claude , Direction Archéologie et Muséum de la ville d’Aix‑en‑Provence, Elsa Desplanques , chercheuse indépendante en archéologie des textiles, et Hélène Huysseune , musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye

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