Extrait Archéologia n°594

ARCHÉOLOGIA N° 594 / 27 Archéologia : Qu’est-ce que Nucléart ? Christian Vernou : Intitulée le projet Nucléart lors de sa fondation à la fin des années 1960, cette structure a été conçue, au sein du CENG, Centre d’études nucléaires de Grenoble (aujourd’hui CEA, ou Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alterna- tives de Grenoble) par Louis de Nadaillac. Cet ingénieur souhaitait appliquer au domaine civil les propriétés et capacités du nucléaire, et en particulier l’irradiation à base de cobalt 60, pour sauver les œuvres d’art en bois. Dès le milieu des années 1970, ces méthodes sont utilisées pour les objets archéologiques ; le chantier tout proche du lac de Charavines, en Isère, nourrit alors la recherche et apporte de nombreux artefacts du Néolithique ou du Moyen Âge. En 1997, après avoir été nommé le CETBGE (Centre d’études techniques des bois gorgés d’eau), le projet Nucléart devient ARC-Nucléart (atelier régional de conservation), un grou- pement d’intérêt public (GIP) à but cultu- rel, qui lie l’État (ministère de la Culture), le CEA, la Ville de Grenoble et l’association ProNucléart (ainsi que la Région Rhône- Alpes, de l’origine jusqu’en 2015). En quoi l’énergie nucléaire peut-elle aider à la conservation des œuvres ? Certaines des propriétés spécifiques du rayonnement gamma • permettent d’une part de détruire des organismes vivants par irradiation (la désinsectisation et la désinfection tuent tous les organismes Le grand chaland Arles-Rhône 3 , daté du milieu du I er siècle de notre ère, a bénéficié des soins attentifs du laboratoire ARC-Nucléart : assistance au prélèvement aux côtés des archéologues-plongeurs, traitement de conservation (méthode PEG-Lyo, excepté pour sa proue), restauration et conception d’un socle métallique adapté, installation dans le musée départemental Arles antique, le tout dans un temps record (moins de trois ans !). Une formidable réussite de valorisation patrimoniale, pour une embarcation de 31 m de long. Mettre le nucléaire au service des objets et œuvres d’art, telle est la mission de Nucléart, une entreprise française créée en 1970. À l’occasion des 50 ans d’activité de cette structure, Archéologia a voulu comprendre comment l’énergie atomique peut participer à la conservation et à la restauration des biens mobiliers archéologiques en matériaux organiques – en bois, cuir, peau, vannerie ou cordages… Entretien avec Christian Vernou , conservateur en chef du Patrimoine à ARC-Nucléart. Propos recueillis par Éléonore Fournié Le rayonnement gamma possède des propriétés biocides et permet de réaliser des réactions chimiques grâce aux ions ou radicaux libres formés. Il est de même nature que les rayons X et, comme pour l’être humain ayant passé une radiographie X, les objets traités par les rayons gamma ne deviennent pas radioactifs après trai- tement. L’enjeu et le savoir-faire de l’ingénieur chargé des irradiations sont de calculer au plus juste les doses appropriées, dans le respect des éléments du patrimoine.

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