Extrait Archéologia

La prostitution antique 48 / ARCHÉOLOGIA N° 583 Les vestiges fantasmés Le sujet excite tellement l’imaginaire que la moindre source est employée sans aucune vérification ou caution scientifique. Ainsi, il n’est pas rare de lire que le lupanar d’Éphèse en Turquie est indiqué par une publicité gravée dans le marbre du sol. Ce gra#ti composé d’un large dessin repré- sente un pied gauche, accompagné d’un portrait de femme et d’une sorte de cœur. Les guides locaux interprètent dès lors ces vestiges pour un rébus qui « indique le che- min du plaisir aux visiteurs »… Cette bille- vesée serait amusante, si elle n’était pas répétée par des archéologues, qui n’hé- sitent pas à corrompre l’histoire en com- plétant le tableau d’une citation inventée : « Si tu as le cœur brisé, avance, le lupa- nar est sur ta gauche et tu y trouve- ras une fille »… En la matière, il existe d’autres exemples de tromperies tout aussi cocasses. Ainsi, le rapport de Jules Leviel de La Marsonnière relate un mensonge. Selon lui, les fouilles de 1881 à Sanxay (Vienne) du père jésuite Delacroix ont été rebouchées par ce dernier à la suite d’une découverte inconvenante d’une série de chambrettes conservant des peintures « aux mœurs débridées ». La fausse décou- verte est régulièrement reprise par d’autres auteurs qui enrichissent le récit de détails fantaisistes. Entre imagination et mauvaise foi, les exemples ne manquent pas pour tromper le visiteur. Les sources littéraires La littérature latine fournit une autre forme d’examen. Les auteurs utilisent le plus sou- vent le terme de scortum pour désigner sans distinction l’individu faisant commerce de son corps. Conjointement de nombreux textes livrent un important vocabulaire pour désigner les di$érentes prostituées selon leur activité et leur lieu de travail : noctilucea (mouche de nuit), scorta erra- tica (celles qui errent), diobolariae (celles à deux as), proseda (la fille qui se tient devant la porte), fornices (celles sous les ponts), bustuariae ou bustaria (celles qui exercent dans les nécropoles)… Alors que les lupanars apparaissent fré- quemment dans les textes, ils échappent à toute description archéologique ou archi- tecturale. Il y a cependant quelques excep- tions. Un passage du Satiricon de Pétrone illustre fort bien l’atmosphère de ces lieux de débauche : « Je ne me rappelais plus où se trouvait mon auberge... Abordant une petite vieille qui vendait les légumes, je lui Détail d’une dalle de marbre gravée du dessin du pied gauche d’une femme et d’un cœur, qui a été interprété à tort comme indiquant la proximité d’une maison close. Éphèse, rue du marbre, V e siècle. © PrismaArchivo / Leemage Spintrienne ou jeton érotique de jeu. Collection privée. © Costa / Leemage

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