Extrait Archéologia n°575

Lorsque le jeune pharaon Toutânkhamon décède brusquement, à l’aube de ses 20 ans, c’est l’émoi dans tout le pays et une question s’échappe de quelques lèvres à la cour de Memphis : où va-t-on l’enterrer puisque sa tombe est toujours en construc- tion$? C’est une petite tombe de la vallée des Rois, possiblement construite pour son vizir, un vieil homme dénommé Aÿ, qui est désignée, peut-être par ce dernier. Elle est fort éloignée des immenses demeures d’éternité royales au long couloir qui pénètre dans les profondeurs de la montagne thébaine, mais c’est tout ce que permettent le délai de la momification du roi et son transport du nord du pays jusqu’à la rive ouest de Thèbes. Sur place, des ar- tisans du village de Deir el-Médineh sont dépêchés pour préparer la tombe et orner la future chambre funéraire du roi de pein- tures qui l’accompagneront et le protége- ront par-delà la mort. Des commandes sont également passées pour réaliser les quatre chapelles funéraires* en bois doré qui s’élè- veront autour du sarcophage. Un cercueil aux trop grands pieds Au moins trois mois, sinon plus, se sont écoulés lorsque la dépouille momifiée du souverain atteint les abords de Thèbes. La cérémonie se déroule en présence d’Aÿ (qui a été, depuis, désigné comme le successeur officiel du pharaon), de sa veuve, la reine, Ânkhesenamon, de plusieurs membres de la cour et d’un important cortège de prêtres, dominés par le clergé du puissant Amon. Les hauts fonctionnaires, chargés du bon dérou- lement des funérailles, sont évidemment là. Et il y a bien sûr le peuple, venu en nombre déplorer la mort de leur Horus, fils des dieux de l’Égypte. Tout est prêt pour accueillir la momie royale : un sarcophage en grano- diorite rouge trône au milieu de la chambre funéraire. À l’intérieur, posées sur un solide lit en bois, ont été emboîtées, à la manière des poupées russes, les cuves de deux cercueils en bois massif doré. Elles accueilleront bientôt le cercueil en or massif du pharaon. Dans la pièce encore vide, on apporte solen- nellement la momie de Toutânkhamon. Les prêtres récitent des incantations magiques et protectrices. Ils versent ensuite conscien- cieusement sur la momie une marmite de résine bouillante liquide, mélangée à de la graisse parfumée, jusqu’à la faire disparaître dans une mare noire odorante. Les dernières formules magiques délivrées, le cercueil en or est fermé et scellé par dix clous d’argent à tête d’or. Plusieurs hommes le soulèvent (son poids doit approcher 160 kg) pour le mettre dans le sarcophage. Mais quand les ouvriers posent le dernier des couvercles en bois, horreur, ils s’aperçoivent qu’il est beaucoup trop haut : les pieds dépassent de quelques centimètres et empêchent la fermeture du sarcophage$! Il faut appeler les charpentiers à la rescousse pour raboter les pieds. Howard Carter découvrit les copeaux de bois au fond du sarcophage. Un couvercle fissuré Cet incident n’est que le début d’une série de problèmes… Si l’on ignore pour quelle raison le couvercle qui fermait le sarco- phage n’était pas celui d’origine – puisqu’il était en quartzite jaune et non en grano- diorite rouge –, on sait en revanche que ce changement ne porta guère chance aux ouvriers. Vraisemblablement, alors qu’ils le manipulent, il se fêle en son centre. Couvercle du cercueil extérieur en bois recouvert d’une fine feuille d’or et dont le bout des pieds fut raboté au moment de la fermeture du sarcophage. © Griffith Institute ARCHÉOLOGIA N° 575 / 37 Une chapelle funéraire est une structure en bois ou en pierre élevée tout autour d’un cercueil de manière à le protéger matériellement et magiquement.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz