Extrait Archéologia

Découverte 54 / ARCHÉOLOGIA N° 565 En 2012, la fouille du site voisin de Nuciaresa, un habitat occupé du VII e au V e siècle avant J.-C., a permis de mieux comprendre l’évolu- tion des modes d’occupation des sols après l’abandon de ces forteresses de l’âge du Bronze. Puis, en 2015, en préalable à des travaux de conservation, c’est le site de Cucu- ruzzu qui a fait l’objet d’une intervention par une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). UNE OCCUPATION CONTINUE Comme dans la plupart des villages for- tifiés de l’âge du Bronze du sud de l’île, le site est coiffé à son sommet d’une torra (voir encadré page 55), qui a conservé une partie de son couvrement. En contrebas, à l’ouest, au sud et à l’est, se développe une large enceinte élevée en gros blocs, com- prenant plusieurs aménagements originaux. L’édification de ces bâtiments s’étale entre l’âge du Bronze moyen (1650-1350 avant J.-C.), l’âge du Bonze final (1200-850 avant J.-C.) et l’âge du Fer (800-fin du I er siècle avant J.-C.). Du mobilier en bronze de cette période, comme des éléments de ceinture en plaquettes bosselées et perforées, atteste la présence de sépultures à l’intérieur d’une enceinte, qui devait mesurer à l’origine près de 70 m de long pour une superficie d’envi- ron 450 m 2 . À l’extérieur, à quelques mètres vers le nord, sur un secteur déjà habité à l’âge du Bronze ancien, un village a été amé- nagé et occupé jusqu’au V e siècle avant J.-C. Autour du casteddu , quelques abris sous roche accueillaient des inhumations. Ainsi, c’est toute la Protohistoire de la Corse qui se trouve être révélée à Cucuruzzu. Mais quelle était la fonction de ce site#? Pour Roger Grosjean, il s’agissait d’un ensemble fortifié dominé par un bâtiment cultuel (la torra ), élevé par une population intrusive, les Shardanes (voir encadré page 57) et fré- quemment assailli par les indigènes corses. Pour François de Lanfranchi, sa fonctionna- lité aurait plutôt été tournée vers les activi- tés artisanales et plus généralement produc- tives, matérialisées par la présence d’ateliers (poterie, vannerie, boucherie, meunerie) et d’espaces de stockage. Cette dernière hypothèse est aujourd’hui privilégiée pour l’espace interne du casteddu , même si les aspects militaires ne sont pas négligés, par les récents apports archéologiques. L’ÉDIFICATION DE LA TORRA Si des occupations datées de la fin du Néolithique et de l’âge du Bronze ancien ont bien été observées à Cucuruzzu, c’est vers le début du Bronze moyen, soit autour de 1500 avant J.-C., que le site se dote d’un premier édifice monumental et ostentatoire. Une torra , de plan circulaire, de 8 m de diamètre, est alors élevée au sommet du rocher plat qui coiffe le chaos granitique. Les communautés Le rempart cyclopéen. De l’âge du Bronze moyen, il est conservé sur 5 m de haut"; il s’interrompt en un seul endroit pour créer une entrée étranglée, aménagée dans un rocher éclaté par le gel. © K. P.-Q LE TOPONYME CUCURUZZU Le toponyme Cucuruzzu , ou Cuccuruzzolu selon les documents cadastraux, présente un préfixe prélatin que l’on retrouve fréquemment dans le sud de la Corse ( Cuccuraccia , Cuccureddu ), mais également en Sardaigne ( Cuccuru , Cuccuraddu ) et aux Baléares ( Cugulut ). Des formes approchantes existent aussi dans des régions plus éloignées : Cogolludo (Castille) ou Cucuron (Provence). Il semble que, dans la plupart des cas, cette racine ancienne renvoie à un relief écrasé et assez peu marqué. Plus rarement, la toponymie s’applique à un amas rocheux de forme tronconique adoucie. Pour nos exemples corses, il est possible que le nom soit corrélé à la forme de la torra qui, il est vrai, évoque certaines cucurbitacées"!

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