Extrait Archéologia

6 À LA UNE ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE VERS UNE SORTIE DE CRISE ? L'archéologie préventive va mal en France. Nous ne sommes pas très loin du point de rupture, tant la situation est catastrophique, quelque soit le point de vue d'où l'on se place : celui de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), des col- lectivitésterritorialesoudusecteurprivé–Éveha,lapre- mière société privée française d'archéologie préventive qui emploie environ 250 personnes et représente 12% du marché, vient d'être placée en redressement judi- caire au tribunal de commerce de Limoges. Cet état de fait estlerésultatd’unbrasdefermenédepuisquatorzeans entre l'Inrap et les autres acteurs, avec en toile de fond une guerre des prix dans laquelle tous se sont engouf- frés,aboutissant à une baisse des budgets de 30 à 40%. Une baisse impensable dans n'importe quel autre sec- teur économique! Plusieurs ministres de la Culture se sont penchés sur le dossier, mais ne sont jamais restés assez longtemps en poste pour mener une politique globale satisfaisante. Les choses avancent donc dou- cement, avec une ambiguïté de taille qui consiste à considérer l'archéologie préventive à la fois comme une mission de domaine public et comme un secteur marchand (selon que l'on considère la réalisation de diagnostics ou les fouilles dites de sauvetage). VUE DES FOUILLES DE LA COUR NAPOLÉON, SUR L'EMPLACEMENT ACTUEL DE LA PYRAMIDE Créée en 1973, l'Afan (Association pour les fouilles archéologiques nationales) se voit confier par l'État en 1982, les fouilles du chantier du Grand Louvre, longtemps considérées comme la première grande opération d'archéologie préventive.www.inrap.fr © C.-P.Charniot, Inrap QU'EST-CE QU'UN DIAGNOSTIC ? Avant tout aménagement public ou privé, l'État peut prescrire un diagnostic archéologique pour vérifier si le terrain recèle des traces d'anciennes occu- pations humaines. Cette intervention de service public, effectuée par l'Inrap ou par un service de collectivité territoriale agréé, répond à un processus très encadré. À l'issue du diagnostic, un rapport est rendu aux services de l'État. Trois cas de figure sont alors possibles : le diagnostic est négatif, et l'État auto- rise l'aménageur à entreprendre ses travaux ; le diagnostic est positif, mais l'État, considérant que les vestiges archéologiques sont mal conservés ou ne pré- sentent pas de réel intérêt scientifique, autorise l'aménageur à entreprendre ses travaux ; le diagnostic est positif avec vestiges sur tout ou partie de l'em- prise du projet. Dans ce troisième cas, si l'État juge l'intérêt scientifique et l'état de conservation suffisants, il peut décider de la réalisation d'une fouille archéologique ou de la modification du projet d'aménagement. La fouille est soumise à un appel d'offres et peut être réalisée par l'Inrap, les collectivités ter- ritoriales ou des sociétés privées d'archéologie préventive. Ainsi, l'Inrap héberge une double activité : il procède aux diagnostics préventifs, sur lesquels il garde le monopole et qui sont subventionnés, et les fouilles proprement dites, qui sont, elles, soumises à concurrence depuis 2003. Pétitions, mobilisations, saisine de l'autorité de la concurrence, rapport de la Cour des comptes… Le dossier sur l'archéologie préventive commence à être lourd et la situation non loin de l'impasse. Les acteurs en présence défendent tous la dimension scientifique de l'archéologie et leur professionna- lisme,mais la cohabitation entre sphère publique et sphère privée reste complexe.

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