Extrait Art de l'Enluminure

LE MANUSCRIT ET SON HISTOIRE Présentation physique : une triple rupture Le manuscrit de la bibliothèque de l’Institut de France 1 est la seconde partie d’un livre d’heures. Il contient les heures de la Passion puis des prières à la Vierge à partir du folio 41. À la fin du volume, d’autres prières ont été ajoutées sur un parchemin cette fois plus épais, au moins un demi-siècle après la copie et le décor des 82 premiers folios 2 .Avec la partie conservée à New York 3 , l’ensemble présente donc sous sa forme actuelle une triple rupture. Dans le manuscrit de New York, un examen du texte aux folios suivant les réclames des f os 21 v° et 149 v° laisse apparaître deux lacunes pouvant correspondre à quelques médaillons manquants 4 . Le manuscrit de l’Institut ne présente pour sa part aucune interruption textuelle au sein de ses différentes composantes. D’un codex à l’autre, ce sont les éléments de continuité qui priment : le copiste semble identique, depuis le calendrier jusqu’aux prières mariales ; au- delà de la variété, sur laquelle nous reviendrons, des mains à l’œuvre au long d’un cycle illustratif aussi ample, vingt grandes miniatures et 535 médaillons, l’ensemble présente une très forte cohérence de style, qui invite à attribuer l’ensemble à un même atelier de production. Ceci s’applique également pour le ou les ornemanistes à l’œuvre dans chacune des parties. De fait, E. Spencer avait, dès 1972, repéré la complémentarité entre les deux manuscrits 5 . Nicole Reynaud datait d’abord le ms.M. 359 vers 1420 avant de proposer, plus tard, les années 1440 pour le ms. BIF 547. Gregory Clark, pour sa part, les date respectivement de ca . 1430-1435 et de ca . 1430-1440 6 . L’enquête serait bien plus confortable si le colophon inscrit au bas du f° 40 (voir ci-dessous p. 27) offrait un élément de datation sans équivoque, mais ce n’est malheureusement pas le cas : il semble possible d’y lire, d’une écriture cependant non mise au net, et plus anguleuse que la copie : Escript a Poictiers par Jehan Belluchau l’an m.iiii c . xviiii. – ou bien m.iiii c .xx.iiii 7 . On ne peut raisonnablement écarter l’éventualité d’un colophon factice et plus tardif 7b , ce qui rend du même coup l’hypothèse d’une copie poitevine incertaine. Histoire des collections L’histoire des collections s’avère également peu éclairante sur la provenance ancienne du ms. 547. Le plus ancien propriétaire connu demeure Antoine Moriau (1699-1759), procureur du roi et de laVille de Paris (1722-1725). Cet éminent bibliophile est à l’origine de la plus ancienne bibliothèque publique de Paris, après la Mazarine. Ses manuscrits, légués en 1760, constituent le noyau de l’ancien fonds de la bibliothèque de l’Institut à laquelle ils furent réaffectés, suite à la création de l’Institut national des sciences et des arts en 1795, par l’arrêté du 17 mars 1797. Collectionneur passionné, Moriau ne nous a malheureusement laissé aucun témoignage sur l’acquisition du manuscrit 547, ni sur l’état de ce dernier au moment où il en devient propriétaire – mais tout laisse à croire que le codex était semblable à aujourd’hui, les heures qui en formaient la première partie ayant été séparées de l’office des morts et des prières aux saints depuis le milieu du XVI e siècle au moins 8 . La bibliothèque de l’Institut de France conserve pour sa part les catalogues de la bibliothèque de laVille de Paris établis à partir de 1763, date de son ouverture au public, dont un inventaire autographe des manuscrits, rédigé par le bibliothécaire Hubert-Pascal Ameilhon (1730-1811) 9 . L’inventaire a été annoté dans les années 1908-1909 10 par une main constatant de nombreux manques. Il ressort que les ouvrages de liturgie ou de para- liturgie tels les livres d’heures, et les manuscrits comportant des illustrations en général, ont fait l’objet de ponctions sévères à une date qui reste à préciser. Est-ce en raison même de la qualité insigne de son décor que le manuscrit de la BIF n’a pas été séparé du noyau initial ? 6 Art de l’enluminure La Tempérance, New York, The Morgan Library and Museum, ms. M. 359, f° 117 v°.

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