Extrait Art de l'Enluminure

42 Art de l’enluminure La translation du corps de saint Jacques (suite et fin) Les péripéties de la translation de l’apôtre sont loin d’être terminées. L’histoire se poursuit tel un conte, avec une princesse, des créatures monstrueuses, des opposants et des adjuvants. C’est l’épisode de la conversion de la reine Louve, relaté entre autres par Jacques de Voragine. Cette souveraine cruelle, ayant appris l’arrivée du corps de saint Jacques sur ses terres, veut s’en débarrasser à tout prix et confie malicieusement son transport à des bœufs sauvages. Voragine raconte que, sur la route montagneuse qui les mène vers ces animaux indomptables, les disciples de Jacques doivent d’abord affronter un dragon, dont ils viennent à bout d’un simple signe de croix. On n’aperçoit pas le monstre sur la miniature, mais deux taureaux, dans le coin supérieur gauche, accueillent la délégation en crachant du feu, une façon habile de condenser les deux épisodes. Une autre épreuve attend les compagnons de saint Jacques : il faut amadouer les bœufs, qui ne supportent aucun attelage. À nouveau, le signe de la croix fait l’affaire. Au centre de l’image, les animaux apprivoisés, « doux comme des moutons », tirent docilement le chariot portant le sarcophage de l’apôtre. Au passage du cortège, des hommes et des femmes se signent. « Sans qu’on les guidât », les bovins mènent le corps dans la cour du palais de Louve. Les disciples vont alors trouver la reine, qui daigne les recevoir sur le seuil de son palais, un édifice gothique situé à gauche de l’image. Confondue par le miracle, elle se convertit illico et fait ériger « une église magnifique pour recevoir le corps du saint ». L’enlumineur a représenté, à droite, l’ensevelissement du corps. Deux fossoyeurs recouvrent de terre la dépouille déjà descendue dans la fosse, dont on aperçoit le manteau bleu. C’est à cet endroit que sera érigé le sanctuaire en l’honneur du saint. L’image est structurée de la même façon que l’épisode précédent. Un chemin de terre sert cette fois de fil rouge à la narration. Ses méandres sont ponctués de spectateurs, qui font office à la fois de témoins du miracle et d’accroches visuelles. Le récit se déploie le long du parcours, selon le principe de la narration continue, avec des personnages répétés de scène en scène. Cet épisode de la vita de l’apôtre, assez rarement représenté, apparaît pourtant sur l’un des panneaux du retable d’Indianapolis. On le retrouve également dans les marges d’un livre d’heures flamand des années 1515-1520 (ci-contre). ■ Maître des scènes de David du Bréviaire Grimani, Le premier voyage de saint Jacques en Galice (miniature centrale) ; Martyre et translation du corps de saint Jacques (marge), Flandre, vers 1515-1520, Oxford, Bodleian Library, MS Douce 112, f° 151, détail. © Oxford, Bodleian Library.

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