Extrait Art de l'Enluminure

Le manuscrit Français 95 Ce grand livre de 394 folios mesurant 470 × 330 mm a été soigneusement écrit sur deux colonnes de 40 lignes par un seul copiste en textualis pratiquement sans abréviations. Ce qui fait la gloire du manuscrit, c’est la quantité, la qualité et la variété de sa décoration. Sur un grand nombre de pages (voir par exemple ci-dessous, p. 31), les paragraphes sont marqués par des initiales champies d’or sur fond bleu et rose rehaussé de blanc et délimité de noir. Ces initiales sont liées par des antennes disposées le long de chaque colonne et composées de filets d’or et de rouge et de motifs en forme de « J » ou d’autres motifs en bleu et rouge en alternance, se terminant en spirales décorées de fleurs rouge et bleu. Les scènes sont présentées sous forme d’initiales historiées ou, le plus souvent, en miniatures à deux registres, ce qui facilite la représentation d’événements qui se succèdent – formule relative- ment peu courante dans l’illustration des manuscrits du Lancelot-Graal . Les initiales historiées et les miniatures sont accompagnées par des filets d’or et de bleu et rose qui s’étendent le long de la colonne de texte et se terminent en haut et en bas par des antennes souples en cuspides à motifs végétaux et aux boules d’or, supportant une grande variété d’oiseaux, animaux, hybrides et personnages qui, parfois, sortent directement des antennes 2 . On peut quelquefois discerner un rapport thématique entre les motifs marginaux et les sujets des miniatures, mais la plupart du temps leur signification n’est pas évidente quoiqu’elle témoigne d’un esprit ludique, scatologique et inventif. Les miniatures sont pour la plupart peintes sur un fond d’or bruni brillant sur lequel se détache l’action pleine de vivacité des personnages, accompagnée d’une riche gamme de motifs végétaux et architecturaux. Gestes et visages sont expressifs, et la gamme des couleurs, finement modelées, inclut l’or liquide, souvent utilisé avec subtilité à côté de l’or bruni. Un pendant du manuscrit de la bibliothèque parisienne a été identifié, dans un volume naguère en possession de Sir Thomas Phillipps (ms. 130), acquis en 1955 par la Beinecke Library de l’Université de Yale et coté 229 3 : il contient la dernière partie du Lancelot proprement dit, dénommée l’ Agravain, suivie de la Queste del saint Graal et de la Mort Artu . De dimensions et de décor très proches du BnF fr. 95, mesurant 475 × 343 mm, il comporte 363 folios copiés sur deux colonnes de 40 lignes et ornés d’initiales champies en or et couleurs accompagnées des mêmes antennes filigranées et de miniatures pour la plupart en deux registres et aux antennes peintes. Il est, dans l’ensemble, très proche du manuscrit parisien bien qu’il soit écrit par un autre copiste et illustré par un ou plusieurs artistes apparentés à celui du Français 95, mais pas aussi doué(s). Le reste du Lancelot proprement dit n’a pas survécu. Ci-dessus : Fr. 95, f° 74, détail. Page de droite : Agravain , New Haven, Yale University, Beinecke 229, f° 110 v°. À gauche, Lionel quitte les moines qui l'ont guéri et rejoint les chevaliers. À droite, Lancelot combat deux lions et retire la tête de son grand-père d’une fontaine d’eau bouillante. Ci-dessous : Fr 95, f° 64 v°, détail.

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