Extrait Art de l'Enluminure

4 Une bible chartraine à Saint-Denis Rares sont les grandes bibles complètes enluminées qui nous sont parvenues des décennies 1140-1160, l’époque où furent entrepris de grands chantiers de construction d’édifices religieux comme la cathédrale de Chartres et l’abbaye de Saint-Denis, dotés d’importants programmes iconographiques sculptés et peints sur vitrail. Par leur format imposant, leur mise en page soignée, leur style raffiné et leur iconographie élaborée, ces bibles s’imposent comme des monuments incontournables dans le paysage artistique de ce moment de transition entre l’art roman et l’art gothique. Fruits d’un milieu intellectuel riche et singulier, elles sont le reflet d’un mode de pensée, d’un système de représentation du monde où toutes les catégories du monde sensible sont convoquées au service de l’expression du divin et où le corporel est soumis à un processus de spiritualisation. La Bible dont il est question dans ce numéro n’échappe pas à cette règle ; elle en est même l’une des plus éminentes représentantes. Produite peu avant le milieu du XII e siècle, d’après l’écriture et le style du décor, et conservée aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France en deux volumes sous les cotes BnF latins 55 et 116, elle présente toutes les caractéristiques d’une production d’apparat dont l’origine et la destination sont inconnues, comme c’est le cas pour nombre de bibles de l’époque romane. Un faisceau d’hypothèses permet d’en situer l’exécution à Chartres et de contextualiser sa production, en établissant des rapprochements avec les autres médias artistiques. Sa numérisation et sa restauration dans le cadre du programme « France-Angleterre, manuscrits médiévaux de 700 à 1200 » mené par la Bibliothèque nationale de France et la British Library grâce à un mécénat de la fondation Polonsky, et sa présentation au musée de Cluny dans le cadre de l’exposition « Naissance de la sculpture gothique, Saint-Denis, Chartres, Paris, 1135-1150 » (10 octobre - 31 décembre 2018) offraient l’occasion d’en mener une étude multidisciplinaire dont nous nous proposons de livrer les premières conclusions dans les pages qui suivent. Page de droite : Initiales F et Q en tête de la préface à l’Évangile de Luc, latin 116, f° 124 v°. Dans ce numéro, pour les ms. BnF latins 55 et 116, les folios entiers sont reproduits à environ 53 % de leur taille originale et les détails à environ 80 %.

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