Extrait Sport & Vie

n o 169 27 Merde, je fume! Cette lente dégradation de l’air n’est certes pas un problème nouveau. Mais on est frappé par son ampleur et les travaux qui mesurent son impact sur la santé renforcent cette impression. Ainsi, on sait qu’une augmentation de 10 wg/m 3 de l’exposition prolongée aux PM 2.5 est corrélée à un surcroît de 11% d’accidents cardiovasculaires. Diagnostic identique pour l’artérios- clérose et la calcification prématurée des artères. De fait, les variations de pollution urbaine épousent la courbe des infarctus et le parallélisme se vérifie même quand la concentration de polluants reste sous les seuils de l’OMS (1). Pour marquer les esprits, on peut établir des équivalences avec le tabagisme. Tout comme la cigarette, un air chargé de gaz d’échappement ou de fumées d’usine dépose des par- ticules carbonées dans nos bronches, qui se révèlent bien incapables de s’en débarrasser. Les polluants y restent donc. Pire, ils y campent. Pire encore, ils passent dans la circulation et enva- hissent tout le corps, ce qui conduit aux dégâts sur nos organes vitaux évoqués plus haut. Un informaticien français, Amaury Martiny, et un desi- gner brésilien, Marcelo Coelho, ont poussé plus avant l’analogie entre tabac et pollution atmosphérique en inventant une application pour smart- phone destinée à mesurer l’équivalent en cigarettes du taux de pollution auquel nous nous trouvons quotidien- nement exposés. Elle s’appelle «Shoot! expédientspour lacuissonou lechauf- fage (charbon ou autres combustibles fossiles): autant de motifs qui abou- tissent à ce que «de nombreuses méga- lopoles dans le monde entier présentent des résultats cinq fois supérieurs aux niveaux fixés» par l’OMS. Si on ne tient compte que des PM 2.5 , cela signifie que chaque jour, les habitants de ces villes recueillent dans leurs bronches 750 wg de ces poisons invisibles. Sept-cent-cinquante microgrammes, cela semble ridicule. Néanmoins, un calcul rapide permet d’affirmer qu’en cinquante ans de vie, un habitant de Shanghai ou de Mumbai aura respiré l’équivalent de quatorze grammes de ce type de microparticule qui, prise isolément, ne pèse strictement rien. Vous imaginez la quantité de corps étrangers logés au plus profond de l’organisme. Et encore! Pour ne pas se perdre dans les chiffres, nous cardiovasculaire par les «particules fines» que l’on appelle ainsi parce que leur diamètre est de l’ordre du micromètre (1 wm = 1 millionième de mètre). Dans les articles scienti- fiques, on les désigne par les initiales PM (pour «particulate matter» ) suivies d’un nombre en indice qui précise leur diamètre (PM 5 pour les particules de 5 wm de diamètre, par exemple). Ces microscopiques polluants pro- viennent essentiellement des gaz rejetés par les moteurs à combus- tion, de l’activité industrielle et des appareils de chauffage. On en trouve de grandes quantités dans toutes les villes d’importance. Surtout dans les plus pauvres. Après avoir mesuré la qualité de l’air de plus de 4300 villes situées dans 108 pays, l’OMS a pu annoncer que neuf humains sur dix respiraient un air ne répondant pas à ses normes de salubrité, donc pré- sentant des concentrations de PM 10 supérieures à 20 microgrammes par mètre cube (20 wg/m 3 ) et de PM 2.5 supérieures à 10 wg/m 3 . Les régions les plus exposées sont l’Asie du sud, surtout sa façade Pacifique (Chine, Inde, Indonésie), ainsi que l’Afrique et le Moyen-Orient. Vétusté des infrastructures, développement industriel anarchique, absence d’une puissance publique (ou de volonté politique) apte à imposer des normes même modestes, recours à des n’avons comptabilisé que les PM 2.5 . Or il en existe de plus massives (PM 10 ) ou plus minuscules (PM 1 voire PM 0.1 ). Le total est plus élevé que ces quatorze grammes. Foin de chiffres. Retenons qu’au bout de quelques décennies, les habitants des grandes cités auront accumulé dans leurs poumons plu- sieurs dizaines de grammes d’un cocktail répugnant formé de résidus de combustion, de poussières de métaux lourds et de divers produits de décomposition organique. Les microparticules sont 8000 fois plus petites qu’une balle de golf! Mario Cipollini, alias “La cibiche”

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz