Extrait L'Objet d'Art n°557

1 JUIN 2019 L’OBJET D’ART L emarché des squelettes de dinosaures est enpleine croissance. Un spectaculaire exemple sera mis aux enchères le 13 juin pro- chain à Paris chez M e Aguttes. Si la publicité faite autour de ce nouveau spécimen n’avait pas précisé qu’il s’agissait de la dé- couverte d’une « nouvelle espèce de diplodocidé », nous eussions pu croire, en cette année 2019 qui célèbre les 60 ans du ministère de la Culture, et en ce mois de juin marqué par la dispersion chez Artcurial des souvenirs d’André Malraux, que le squelette de ce dinosaure était celui d’un ancienministre de la Culture fossilisé dans son bureau, nesachant plusque fairede lamannedesubventions attribuées à la restauration des monuments historiques. Car ce temps bienheureux où le ministère créé par André Malraux répondait à un profond engagement de l’État en faveur de la culture et du patrimoine s’est,hélas,éteintcommecesdinosauresd’un autre âge : un budget en forme de peau de chagrin, une Direction des Musées de Francedevenue falote, unÉtat qui se décentralise et se déres- ponsabilise toujours plus au profit des régions et du bon vouloir des élus. Le temps des dinosaures Le sauropode vieux d'environ 150 millions d’années, vendu par M e Aguttes, a miraculeusement conservé plus de 90 % de ses os et, en- core plus extraordinairement, des empreintes de sa peau, en particulier sur sa queue entièrement articulée. Il a donc reçu le doux surnom de Skinny , doublé de celui, plus bling-bling , de Roll’s Royce du dinosaure. À partir du 6 juin, il sera exposé à Paris à l’hôtel InterContinental Le Grand (un hôtel à l’épithète louis-quatorzienne s’imposait pour ce spécimen mesurant presque 13 mètres de long), puis vendu in situ dans la fou- lée à un prix estimé entre 1,2 et 1,8 million d’euros. Au moment où le Centre Georges Pompidou organise une très intéressante exposition sur les rapports entre l’art contemporain et la préhistoire, gageons que la sculpturale beauté de Bling-bling Skinny suscitera l’intérêt tant des paléontologues, des collectionneurs que des artistes. Ce ne sera pas la seule vedette des enchères. À Toulouse, la vertueuse veuve juive qui trancha le cou du général Holopherne, présentée par le Cabinet Turquin et mise en vente le 27 juinprochain, va encore faireparler d’elle : cette Judithest-elle ounon un original de Caravage, dont une version authentique et antérieure est conservée au Palais Barberini à Rome ? L’avis des spécialistes diverge ; bien des conservateurs demusées français que nous avons interrogés, tenus par leur devoir de réserve, réfutent en privé son authenticité en raisonde certainesmaladresses, mais admirent néanmoins uneœuvre caravagesque d’une force exceptionnelle. À sa manière, le verdict des enchères tranchera– comme le sabre de l’infortuné général assyrien – le débat. Nous vous présentons, chère lectrice, cher lecteur, dans ce nouveau numéro de L’Objet d’Art , un dossier complet et très illustré sur ce tableau qui a déjà fait couler beaucoup de sang et d’encre ! À vous de vous exercer l’œil ! Squelette d’un proche parent du diplodocus, Jurassique supérieur (-157,3 à -152,1 millions d’années), formation de Morrison aux États-Unis. H. 6,20 m, L. 12,95 m. Estimé : 1,2 à 1,8 M € . Photo service de presse. © Aguttes et des enchères ÉDITORIAL

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz