Extrait L'Objet d'Art

GIVERNY LE JAPONISME ET LES IMPRESSIONNISTES Dès les années 1860, l’engouement pour le pays du Soleil-Levant se propage comme une traînée de poudre en Occident. Le musée des impressionnismes montre comment le japonisme a influencé peintres et graveurs d’avant-garde. Confrontant quelque trente ukiyo-e avec une centaine de peintures et d’estampes réalisées par les repré- sentants de l’impressionnisme au sens très large (d’Édouard Manet aux Nabis en passant par le Hollan- dais George Hendrik Breitner), l’ex- position nous offre un avant-goût des manifestations variées qui viendront célébrer le 160 e anniver- saire du traité d’amitié et de com- merce franco-japonais, à partir du mois de juillet. Le musée propose en contrepoint contemporain un accrochage de sept grandes pein- tures et deux paravents aux cou- leurs chatoyantes réalisés depuis 2010 par le Japonais Hiramatsu Reiji. S’il travaille selon la tech- nique traditionnelle du nihonga , cet artiste est depuis plus de vingt-cinq ans profondément influencé par l’œuvre de Claude Monet et son jardin de Giverny, une fascination qui l’a entraîné à « partir en voyage vers l’impres- sionnisme et le japonisme »... La vague japoniste Bien que le Japon ait mené entre 1641 et 1854 une politique d’iso- lement rigoureuse ( sakoku ), les céramiques, laques et ukiyo-e (« images d’un monde flottant ») n’ont jamais cessé de circuler en Europe où ils suscitaient une vive fascination. Forcé d’ouvrir ses ports aux Américains dès 1854, puis aux Britanniques, aux Russes ou aux Français, le pays du Soleil-Levant s’engage bientôt dans unemoderni- sation rapide et noue de fructueux échanges avec l’Occident. Tandis que l’orientalisme s’étiole en Europe, amateurs, écrivains et artistes se passionnent pour les objets d’art massivement importés du Japon (mais aussi d’Inde et de Chine) par les grands magasins et les marchands spécialisés parmi lesquels s’imposent tout parti- culièrement le Japonais Hayashi ou Siegfried Bing. Les Expositions universelles parisiennes de 1867 et 1878 viennent conforter cette ferveur générale qui donne naissance à un japonisme de surface Collectionner les ukiyo-e À quelques pas du musée l’on peut admirer l’éclectique collection d’ ukiyo-e réunie par Claude Monet dans samaison de Giverny, la seule à nous être parvenue intacte ou presque, avec celle de Vincent van Gogh (450 de ses estampes sont conservées au Van Gogh Museum d’Amsterdam). L’exposition rappelle toutefois que les peintres ont vo- lontiers acheté ces feuilles bonmarché qu’ils érigeront bientôt au rang d’œuvre d’art. Si le graveur Henri Rivière les conserve scrupuleusement dans des cartons, Monet, Van Gogh ou Pierre Bonnard n’hésitent pas à les accrocher aux murs. Chacun collectionne selon ses propres in- clinations : Mary Cassatt apprécie les estampes de Utamaro dévoilant le quotidien des femmes, Monet privilégie les représentations de pay- sages, de la faune et de la flore par Hokusai et Hiroshige, Edgar Degas place au-dessus de son lit le sensuel Bain des femmes de Kiyonaga... William Merritt Chase (1849-1916), A Comfortable Corner (At Her Ease ; The Blue Kimono) , vers 1888. Huile sur toile, 144 x 113 cm. Water Mill, New York, Parrish Art Museum. Photo service de presse. © The Parrish Art Museum, Water Mill sous le pinceau d’artistes aus- si différents que James McNeill Whistler, Georges Clairin, Claude Monet, GustaveMoreau ouWilliam Merritt Chase... S’inspirant de la fi- gure de la geisha, nombre d’entre eux portraiturent des Occidentales vêtues de ces somptueux kimo- nos considérés alors comme des tenues d’intérieur du dernier chic. Paravents, estampes, éventails et autres accessoires – désormais indispensables à tout intérieur bourgeois – complètent le décor. Dans le fameux portrait d’Émile Zola par Édouard Manet prêté par le musée d’Orsay, l’on aperçoit ainsi un paravent japonais et une estampe de Kuniaki II représen- tant un lutteur. 4 L’OBJET D’ART AVRIL 2018 EXPOSITIONS

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