Extrait L'Objet d'Art

« Rembrandt », jusqu’au 3 juin 2018 au cabinet d’arts graphiques du musée Condé – Domaine de Chantilly, 60500 Chantilly. Tél. 03 44 27 31 80. www.domainedechantilly.com Nicole Garnier-Pelle et Jaco Rutgers, Rembrandt . Les carnets de Chantilly , Éditions Faton, 2018, 96 p., 19,50 € . CHANTILLY REMBRANDT ENTRE OMBRE ET LUMIÈRE Après avoir présenté les dessins de Poussin à l’automne dernier, le cabinet d’arts graphiques du musée Condé de Chantilly célèbre son premier anniversaire en exposant l’exceptionnelle collection de gravures de Rembrandt (1606-1669) réunie par le duc d’Aumale. Particulièrement friand d’épreuves nordiques du XVII e siècle, le duc d’Aumale aima passionnément Rembrandt. Pourtant, selon Gustave Macon son se- crétaire, il « regretta toujours de ne posséder ni un Velázquez, ni un Rembrandt ». Il aurait ainsi tenté d’acquérir en 1861 l’Autoportrait à trente-quatre ans qui prendra finalement le chemin de laNational Galle- ry de Londres. Le prince se consolera en rassemblant la 5 e plus grande collection française de gravures du maître hollandais, composée de 21 eaux-fortes ac- quises essentiellement dans les années 1860. Très équilibré, le fonds ainsi rassemblé se distingue par sa qualité et ses provenances prestigieuses. Le duc d’Aumale mettra notamment un point d’honneur à collectionner les états les plus rares de certaines gravures qui pouvaient parfois en compter une di- zaine. Le 24 janvier 1859, il s’offre chez Colnaghi pour 124 livres l’un des chefs-d’œuvre de sa collection : le 2 e état sur papier Japon de la fameuse Pièce aux cent florins , une épreuve à propos de laquelle le spé- cialiste Robert-Dumesnil dira : « Je ne connais point de plus belle feuille». Initialement titrée Jésus guérissant lesmalades , cetteœuvre puissamment contrastée au discours complexe tire ce titre vénal – un paradoxe pour une gravure religieuse – de la somme consi- dérable qu’elle atteignit du vivant de l’artiste. Expérimentations La vingtaine d’eaux-fortes présentée au sein du cabinet d’arts gra- phiques témoigne de l’évolution des inlassables recherches for- melles de l’artiste, des simples études au trait de ses débuts, figurant des mendiants et arborant le monogramme RL pour Rembrandt de Leyde, au portrait subtilement éclairé de Clément de Jonghe que l’artiste alors au faîte de sa gloire signa sobrement Rembrandt . De véritablesmorceaux de bravoure jalonnent le parcours, à l’image de cet impressionnant paysage de 1643 oscillant entre délicatesse et brutalité qui constitue une tentative alors inédite dans l’art hollandais de restituer une va- riation atmosphérique. Plus loin, un élégant jeune homme est depuis 1647 absorbé dans sa lecture ; accoudé à la fenêtre, il est magistra- lement figuré se détachant à contre-jour dans un intérieur sombre et cossu. Il s’agit de l’avocat et poète amateur Jan Six, gendre du docteur Tulp immortalisé par Rembrandt donnant sa fameuse leçon d’anato- mie. Enfin, éclairé par une simple chandelle, le Philosophe méditant joue avec les limites de la visibilité ; l’artiste pousse ici à l’extrême son travail sur le clair-obscur caravagesque et livre ainsi avec la plus sombre de ses gravures une prouesse technique éblouissante. O. P.-M. Paysage aux trois arbres , 1643. Signé daté en bas à gauche : Rembrandt f. 1643. Eau-forte, pointe sèche et burin, H. 20,9 cm ; L. 28,2 cm (cuvette) ; H. 23,7 cm ; L. 31,9 cm (feuille). Chantilly, musée Condé. © RMN-Grand Palais (Domaine de Chantilly) / Michel Urtado Portrait de Jan Six , 1647. Signé en bas à droite : Rembrandt. F. 1647 . Eau-forte et pointe sèche, avc touches de burin ; H. 24,4 cm ; L. 19,5 cm (cuvette) ; H. 24,9 cm ; L. 19,9 cm (feuille). Chantilly, musée Condé. © RMN-Grand Palais (Domaine de Chantilly) / Michel Urtado 8 L’OBJET D’ART MARS 2018 EXPOSITIONS

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