Histoire de l'Antiquité à nos jours

19 villes comme Rouen et Caen, dans des villes moyennes comme Dieppe, Évreux, Pont-Audemer ou Falaise, que dans des villages et même en pleine campagne. À la fin du XII e siècle, la population juive de Rouen est estimée à environ 5 000 habitants, soit 10 à 15 % de la population totale, et celle de la Normandie à 10 000. En Angleterre, une présence juive existait peut-être déjà au premier millénaire, à en juger par l'interdiction faite, vers 740, aux chrétiens par l’archevêque d’York, Egbert, d’assister à des fêtes juives. Mais elle n’est devenue importante qu’à la fin du XI e siècle, quand Guillaume le Conquérant a amené des Juifs de Rouen à Londres pour l’aider dans ses entreprises et quand son fils Henri I er Beauclair leur a accordé, vers 1130, un statut très favorable, avec des privilèges juridictionnels, commerciaux et fiscaux. À la fin du XII e siècle, le nombre d’implantations en Angleterre dépasse la vingtaine, notamment à Norwich, Lincoln, Oxford et Cambridge. Quelles ont été les grandes étapes de l’histoire de ces communautés juives ? L’existence d’une communauté organisée à Rouen remonte au IX e siècle, quand un talmudiste réputé, originaire de Rhénanie, est chargé par le pouvoir carolingien de créer une académie rabbinique ( yeshivah ) – comme il en existait déjà à Narbonne pour la Septimanie et àMayence pour l’Austrasie – et de prendre la tête des communautés juives du nord-ouest du royaume de France. Quand, en 1007, les Juifs du royaume sont victimes de persécutions, c’est le chef de cette communauté, Jacob bar Jékuthiel, qui est mandaté par l’ensemble des communautés du royaume pour se rendre à Rome et pour obtenir du pape qu’il fasse cesser les exactions. Vu l’importance prise par la communauté de Rouen, Guillaume le Conquérant emmène un certain nombre de ses membres pour l’aider à la conquête l’Angleterre (1066) et pour implanter une communauté sœur à Londres. En 1096, au départ de la première croisade, Rouen est la seule ville de France (avec Metz, mais qui se trouve alors en Germanie) où un pogrom a lieu. Les bâtiments communautaires sont détruits, les Juifs sont massacrés, à l’exception de ceux qui acceptent de se convertir et des enfants qui sont enlevés pour être adoptés par des familles chrétiennes. Dès 1098, le roi d’Angleterre autorise les Juifs convertis de force à renouer avec leur foi et à reconstruire leurs édifices. C’est ce qui explique que les quatre bâtiments hébraïques découverts à Rouen en 1976 et dans les années suivantes soient tous datés de la période immédiatement postérieure à la première croisade. En 1131, les Juifs de Rouen sont sollicités par l’abbé Bernard de Clairvaux d’apporter leur soutien au pape Innocent II, lors du schisme qui l’oppose à Anaclet II. Ce soutien sera d’autant plus précieux que son adversaire est un Juif converti, soutenu par les Juifs de Rome. Le rôle joué, dans cette affaire, par Rabbi Yossi, le chef de la communauté rouennaise, amène le roi d’Angleterre, Henri I er Beauclair, à lui demander de s’installer à Londres, avec sa famille. Ses deux fils, Abraham et Isaac, vont lui succéder en 1150, l’aîné comme directeur de l’académie rabbinique de Londres, le cadet comme chef de la juiverie anglo-normande. Tout au long du XII e siècle, les Juifs de Normandie et d’Angleterre vont vivre sous un statut commun, accordé par Henri I er à Rabbi Yossi, puis renouveléparHenriIIPlantagenêtetparJean-sans-Terre. Dans son Traité contre l’obstination invétérée des Juifs , publié vers 1140, Pierre le Vénérable, un des grands abbés de Cluny, met au défi les Juifs de lui opposer un argument sérieux contre la venue du Messie en la personne du Christ : « Montrez-moi un roi de la lignée de Judah, ou si vous ne pouvez pas, montrez-moi un chef. Mais, je n’accepterai pas, pour dire quelque chose de risible, ce roi qu’un certain nombre d’entre vous prétendent avoir à Narbonne et que d’autres prétendent avoir à Rouen. » Des préteurs d’argent juifs dans une maison de crédit, les femmes viennent déposer leurs bijoux, des banquiers tiennent leurs registres de comptes. Miniature du XIV e siècle. The British Museum, Londres. © AISA/Leemage.

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