Histoire de l'Antiquité à nos jours

11 la bouche du porcher Eumée, qualifiait les Phéniciens de « ma- rins renommés, mais gens rapaces » ( Od ., XV, 416). Cette thalassocratie reposait essentiellement sur l’établisse- ment de comptoirs. On a même évoqué la possibilité d’un éta- blissement tyrien sur les bords du Tibre, antérieur au VII e siècle (R. Rebuffat, « Les Phéniciens à Rome », in Mélanges d’archéologie , 1966, n° 78). Didon la Phénicienne C’est dans ce contexte que se situe la fondation de Carthage. On admet communément la date 814 av. J-C., fournie par Denys d’Halicarnasse ( « 38 e année avant la première olympiade », Ant. Rom ., 74,1), et confirmée par Ménandre d’Éphèse (cité par Flavius Josèphe, Contre Apion , I, 18, 116 sq , not. 125-127), qui aurait, selon Josèphe, consulté et traduit les chroniques de plu- sieurs peuples du Moyen-Orient, dont celles des Phéniciens. Toutefois, certains historiens font remonter la fondation de Carthage à 870, ou du moins dans la période 885-853 (cf. l’ar- ticle Dating the Foundation of Carthage sur le site academia.edu ). Justin narre longuement les circonstances de cet événement (XVIII, 4-5) : Elissa, reine de Tyr avec son frère Pygmalion, avait épousé Acerbas, son oncle et prêtre d’Hercule, homme d’une grande richesse, que Pygmalion fit assassiner pour le spolier. Elissa s’enfuit alors de Tyr, accompagnée de nombreux parti- sans. Passant à Chypre, elle enleva quatre-vingts jeunes filles pour servir d’épouses à ses compagnons. Pygmalion renonça à la poursuivre en raison d’oracles l’avertissant « qu’il ne troublerait pas impunément l’établissement d’une cité que la faveur des dieux distinguait déjà du reste du monde » – Carthage était donc dans les desseins des dieux. Arrivée en Afrique, Elissa inaugura un commerce avec les autochtones, puis, par une ruse, s’octroya un territoire avantageux sur lequel elle fonda Carthage et dévelop- pa un fructueux centre commercial, avec la complicité des habi- tants d’Utique, qui avaient reconnu dans les nouveaux venus des « frères de sang ( consanguinei ) ». Ainsi était née celle que les Phéniciens, forts des pratiques po- litiques, fondées sur la cité-État, appelèrent Qart Hadasht : la « ville neuve », que les Latins transcrivirent sous la forme Kar- thago. Nombreux sont les auteurs antiques qui attestèrent le prodigieux dynamisme commercial des Phéniciens, auxquels on devrait l’existence de cités aussi prestigieuses qu’Hippo Regius (Hippone), Hadrumète, Leptis Magna, Panorme, Solanto, Mala- ga, ou Abdère, en plus d’Utique, Gadès et Carthage. Héritière de cette forme d’impérialisme, Carthage fonda, entre autres, Érèse dans les îles Pityuses (dont Ibiza) en 654 (Diodore, Bibl. Hist ., V, 16), Akra Leukè (Alicante), en 231 (par Hamilcar Barca) et Carthagène (227, par Hasdrubal le Beau). Le choix du site n’était certainement pas dû au hasard chez des navigateurs aussi connaisseurs du bassin méditerranéen : en face de la Sicile, elle contrôlait la navigation entre ses bassins oriental et occidental. Monnaie de Tyr du règne de Gallien figurant Didon face à un temple, milieu du III e siècle apr. J.-C. CC BY-SA 2.5 it. Didon acquiert par la ruse la terre où s’élèvera Carthage : Didon demande au roi berbère Hiarbas de lui accorder l’autorisation de fonder un royaume sur ses terres. Il n’accepte qu’à la condition que ce royaume ne soit pas plus grand qu’une peau de vache. Didon découpe la peau en fines lanières et s’en sert pour délimiter le périmètre souhaité. Illustr. de : Virgile, L’Énéide , I, 364-368 ; gravure sur bois de Matthäus Merian l’Ancien (1593-1650), in : Johann Ludwig Gottfried, Historica Chronica , Francfort / Main (M.Merian) 1630. Sammlung Archiv für Kunst und Geschichte, Berlin. © akg-images.

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