Histoire de l'Antiquité à nos jours

17 L’exemple militaire Cependant, cette violence de la vie politique ne peut s’expliquer uniquement par la « brutalisa- tion » des soldats pendant la Première Guerre mondiale. En effet, le retour des soldats fran- çais à la vie civile n’a pas eu les mêmes conséquences, même si on observe le développement des ligues d’extrême droite. D’autres facteurs peuvent être évoqués comme les frustrations engendrées par les traités de paix imposés par les Alliés. Les Italiens ont le sentiment d’une victoire mutilée, car ils n’ont pas obtenu les territoires espérés par leur changement d’alliance en 1915, avec l’ Entente cordiale , tandis que les Allemands considèrent le traité de Versailles comme un « diktat » injuste (traité imposé sans négociation). Selon Johann Chapoutot, « La France jouit d’un facteur d’apaisement et de démobilisation culturel important : elle a certes perdu nombre de ses fils, mais elle a gagné la guerre. (…) L’Allemagne, elle, a non seulement perdu 1,8 millions d’hommes, mais sort de la guerre humiliée par le traité de Versailles, ressenti comme d’autant plus injuste que le sol alle- mand est resté vierge de toute présence militaire ennemie avant le 11 novembre 1918 ». Ce transfert de la violence de guerre dans la vie politique s’ob- serve également en Russie lors de la conquête du pouvoir par les bolcheviques à partir d’octobre 1917. Selon l’historien François Furet, les bolcheviques et les fascistes « transportent dans la poli- tique l’apprentissage reçu dans les tranchées : l’habitude de la vio- lence, la simplicité des passions extrêmes, la soumission de l’individu au collectif (…) ». En 1920, le socialiste allemand Karl Kautsky (1854-1938) écrit que ceux qui « revenaient n’étaient que trop dis- posés par les mœurs de la guerre à défendre en temps de paix leurs revendications et leurs intérêts par des actes sanglants et des vio- lences à l’égard de leurs concitoyens ». Le général blanc Broussilov (1853-1926) parle même d’un « bolchevisme de tranchée ». Dans son Histoire de la révolution russe , Trotski (1879-1940) rapporte que « les muets du front devenaient, chez eux, au village, des parleurs (…) . Ils apportaient dans l’affaire la grave résolution de ceux qui ont pris l’habitude de se servir d’un fusil et de la baïonnette contre l’homme (…) . La direction modératrice des maîtres d’école, greffiers et fonctionnaires sociale-révolutionnaire était remplacée par la direc- tion des soldats qui ne reculaient devant rien ». La guerre a aussi imprégné lemode de pensée des cadres du parti bolchevique qui « se sont pénétrés de la psychologie des tranchés » (Iouri Martov) et elle « a tout d’abord brutalisé la pensée de Lénine » (Bernard Bruneteau). En 1919, Lénine (1870-1924) crée le Komintern ouvert à tous les partis communistes dumonde à condition qu’ils se soumettent à 21 conditions. La 12 e affirme que « le Parti com- muniste ne pourra remplir son rôle que s’il est organisé de la façon la plus centralisée, si une discipline de fer confinant à la disciple mili- taire y est admise ». Un état de crises La naissance des régimes totalitaires s’inscrit aussi dans un contexte de crises politiques, économique et sociales. En 1917, l’autorité du tsar Nicolas II (1868-1918) est fragilisée, car, depuis 1914, la Russie subit de nombreuses défaites militaires contre l’Allemagne, et plus de deux millions de soldats russes sont morts. À partir de 1930, l’Europe est frappée par une grave crise économique suite à l’effondrement du cours des Accord diplomatique entre la France et le Royaume-Uni signé le 8 avril 1904. Le Royaume-Uni et la Russie signent un accord similaire le 31 août 1907. Les deux accords, cumulés à l’alliance franco-russe de janvier 1892, constituent la « Triple-Entente ». Traité de paix signé le 28 juin 1919 entre l’Allemagne et les Alliés à l’issue de la Première Guerre mondiale. Il annonce la création de la Société des Nations (SDN) et déter- mine les sanctions prises à l’encontre de l’Allemagne et de ses alliés. Celle-ci, qui n’est pas représentée au cours de la confé- rence, est amputée de certains territoires et privée de ses colo- nies, et astreinte à de lourdes réparations économiques et à d’importantes restrictions de sa capacité militaire. ENTENTE CORDIALE TRAITÉ DE VERSAILLES Crise économique mondiale / Grande Dépression / Crise boursière aux États- Unis, septembre/octobre 1929 (baisse record du Dow Jones et crash boursier le 24 octobre 1929, appelé « Jeudi noir », en Europe « Vendredi noir », le 25 octobre, en raison du décalage horaire). Scène de rue à New York : le spéculateur Walter Thornton propose son automobile en échange de 100 $ en argent liquide. © akg-images / ullstein bild.

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